L’apprentissage et la formation en milieu de travail
Aujourd’hui, les entreprises sont considérées comme des lieux d’apprentissage au même titre que les écoles. Cette conscience est à l’origine de la volonté des gouvernements de soutenir et de suivre le développement des pratiques de formation en entreprise. Quant aux chercheurs, ils s’intéressent aux modalités des pratiques de formation, de même qu’à l’évaluation de leur rendement. Nous avons consacré des articles à chacun de ces thèmes.
Les pratiques de formation et d’apprentissage en entreprise
L’apprentissage ou la formation formel et informel sont les principales notions utilisées par les chercheurs et les praticiens pour comprendre et décrire les pratiques de formation et d’apprentissage en milieu de travail. L’éducation formelle a marqué le XXe siècle correspondant au mouvement d’émergence et d’institutionnalisation de l’éducation pour tous. Les années 70 vont voir naître des perspectives théoriques qui vont mettre de l’avant la formation et l’apprentissage informels. Aujourd’hui, toutefois, un équilibre semble vouloir s’établir et les chercheurs ont tendance à considérer que la formation formelle et l’informelle ont toutes deux leur place dans les pratiques de formation en milieu de travail (Solar-Pelletier, 2013).
Quoiqu’il en soit, ces notions sont difficiles à opérationnaliser. Colley, Hodkinson, Malcom (2003) ont analysé les travaux des grands chercheurs du domaine (Eraut, Beckett et Hager, Hodkinson et Hodkinson, Simkins, Hunt, Stern et Sommerlad, Livingstone) pour conclure qu’il n’y a pas de consensus sur les paramètres permettant de définir la formation formelle et l’informelle. De plus, ceux-ci sont si nombreux (une vingtaine) qu’il est possible de retrouver des caractéristiques de formalité et d’informalité à divers degrés dans toutes situations ou activités d’éducation, de formation ou d’apprentissage (Hart, 2013b).
Pour Stephen Billett, chercheur australien et grand spécialiste du domaine, décrire le milieu de travail comme un environnement d’apprentissage informel ne permet pas de comprendre les pratiques de formation en milieu de travail. Pour résumer brièvement son approche, disons que le milieu de travail offre des curriculums d’apprentissage et des pratiques pédagogiques qui assurent le transfert et l’acquisition des compétences et que ces curriculums et pratiques sont influencés par des facteurs relatifs à l’environnement de travail – certains offrant plus d’opportunités d’apprentissage que d’autres – de même que par l’engagement des individus. Nous avons consacré un article à la présentation de son approche (Solar-Pelletier, Hart, 2014) et un autre, à son application dans une industrie manufacturière (Hart, 2015).
Les enquêtes sur la formation en entreprise
Pendant deux décennies, de 1990 à 2010, Statistique Canada a produit de grandes enquêtes sur la formation continue et la formation en entreprise. Ainsi l’Enquête sur la formation des adultes (EFA) qui s’est tenue à trois reprises en 1993, 1997 et 2002 suivie de l’Enquête sur l’accès et le soutien à l’éducation et à la formation (EASEF) en 2008. Au même moment, l’Agence a produit l’ Enquête sur le milieu du travail et les employés (EMTE) en 1999, 2001 et 2005. Ces enquêtes ont montré que la participation des adultes à la formation avait augmentée sur cette période pour des taux oscillant peu ou prou entre 30% et 40%.
Au Québec, il y a eu l’ Enquête sur les pratiques de formation en emploi de l’Institut de la Statistique du Québec (ISQ) conduite en 2011 et 2014 pour le compte d’Emploi-Québec. Cette enquête, menée auprès des entreprises, a montré que plus ou moins 60% des entreprises investissaient dans la formation dite structurée (2011 : 63 et 2014 : 42). Aujourd’hui nous disposons de l’Enquête sur le recrutement, l’emploi et les besoins de formation (EREFQ) menée par SOM en 2015 pour le compte d’Emploi-Québec dont les résultats sont publiés par région. Nous disposons également des résultats de la déclaration des activités de formation produites par les entreprises dans le cadre de la Loi 90 depuis maintenant presque 20 ans et de la liste des formateurs agréés de la Commission des partenaires du marché du travail. Il y a aussi les comités sectoriels de main-d’œuvre qui produisent des enquêtes sectorielles sur les besoins de formation des entreprises et des informations sur l’offre de formation continue des secteurs d’activités qu’ils représentent.
Les Européens ont l’Enquête sur la formation professionnelle continue (Continuing Vocational Training Survey – CVTS). Menée dans les 28 pays de l’Union européenne et en Norvège, il existe aujourd’hui cinq éditions : 1993, 1999, 2005, 2010, 2015. Cette enquête est aujourd’hui une source de données internationalement comparables sur :
- la formation professionnelle continue, l’offre et demande de compétences et les besoins de formation;
- la mesure de la forme, du contenu et du volume de la formation continue;
- les ressources propres des entreprises en formation et le recours à des formateurs extérieurs;
- les coûts de la formation continue;
- la formation professionnelle initiale.
Le Québec pourrait mener la CVTS sur son territoire. Les responsables québécois d’une telle enquête profiteraient d’une expertise bâtie sur plus de vingt ans. Les chercheurs et les entreprises d’ici auraient la possibilité d’établir des comparaisons claires avec les pays européens. Un tel projet est d’autant plus réalisable que chaque pays européen est responsable de l’enquête sur son territoire, de l’administration du questionnaire à la production des rapports, en passant par le traitement et l’analyse des données. Sans compter qu’ils disposent aussi d’une marge de manœuvre qui leur permet d’ajouter des questions adaptées au contexte national, s’ils le souhaitent (Hart, 2013a).
L’évaluation des impacts de la formation en entreprise
Le phénomène est bien connu, les entreprises ont du mal à évaluer les impacts des formations qu’elles financent ou dispensent. Dans ce contexte, nous avons voulu présenter des méthodes et des instruments conviviaux qui leur permettent de le faire elles-mêmes. En voici deux : le Cycle de construction et de Gestion qualité d’évaluation du transfert (De souza, Chochard et Gilles, 2017) développé par équipe de chercheurs québécois et suisses et le Q4TE un questionnaire d’évaluation de la formation développé par des chercheurs allemands (Chochard, 2013).
Références
Bishop, D. (2012). «Firm size and skill formation processes an emerging debate». Journal of Education and Work 25(5).
Chochard, Y. (2013). L’évaluation de la formation : un instrument simple et fiable à la portée des praticiens. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 4(3).
Colley, H., Hodkinson, P., Malcom, J. (2003), Informality and formality in learning: a report for the Learning and Skills Research Centre. Londre : Learning and Skills Research Centre.
De souza, G., Chochard, Y. et Gilles, JL. (2017). Évaluation du transfert des acquis de formation en milieu de travail : une nouvelle méthode. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 7(3).
Hart, S.A. (2015). Pour aller vers la formation duale, il faut reconnaître la valeur de l’apprentissage et du travail en milieu manufacturier. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois,5(4).
Hart, S.A. (2013a). L’enquête européenne sur la formation des entreprises : des résultats qui interpellent. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 4(3).
Hart, S.A. (2013b). Apprentissage formel, informel, non-formel, des notions difficiles à utiliser… pourquoi ? Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 4(2).
Hart, S.A. (2011). Les skillnets de l’Irlande, un dispositif qui s’apparente aux mutuelles de formation du Québec. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 2(1).
Solar-Pelletier, L. et Hart, S.A. (2014). Curriculums d’apprentissage et pratiques pédagogiques en entreprise, l’approche de Stephen Billett. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 5(1).
Solar-Pelletier, L. (2013). L’apprentissage dans les PME : l’emprise de l’informalité. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 4(4).
Tousignant, P. (2012). La formation dans les PME: pour des stratégies de soutien respectueuses de leur spécificité. Bulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 3(1).

Extrait
Aujourd’hui, les entreprises sont considérées comme des lieux d’apprentissage au même titre que les écoles. Cette conscience est à l’origine de la volonté des gouvernements de soutenir et de suivre le développement des pratiques de formation en entreprise. Quant aux chercheurs, ils s’intéressent aux modalités des pratiques de formation, de même qu’à l’évaluation de leur rendement. Voici le sommaire des articles consacré à chacun de ces thèmes.