Stage formation professionnelle et technique

Pour ou contre la formation duale en formation professionnelle et technique au Québec ?

Points de vue des entreprises et des enseignants sur le projet de formation duale proposé par le gouvernement en 2015.

En 2015, le gouvernement du Québec, préoccupé par la problématique de l’adéquation entre la formation et l’emploi, a souhaité que la durée des stages en formation professionnelle et technique soit augmentée (Québec, 2015; B.107). Référant à l’Allemagne, il fixait l’objectif de 50 %, voire 60%, des heures prévues aux programmes d’études (Ibid). Prenant acte de cette volonté politique, la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) a consulté les acteurs du monde du travail et de l’enseignement sur la faisabilité du projet, mandat qu’elle a confié à Impact Recherche, une firme de recherche marketing. Au total, 81 personnes ont participé à l’opération. L’Observatoire compétences-emplois est intervenu en aval de la consultation pour mener une analyse approfondie des résultats.

Résultats

Les participants en provenance des entreprises ont donné leur accord pour que les « stagiaires passent plus de temps en milieu de travail ». Il y a même eu sur cette question un consensus reposant sur ces arguments : les stages longs sont plus rentables et permettent un apport plus significatif de l’entreprise sur le développement professionnel des stagiaires. En revanche, les stages de formation les ont inquiétés. Précisons que les stages de formation sont des stages de développement de compétences où les étudiants viennent acquérir, en entreprise, des compétences du programme d’études.

Les arguments avancés sont les suivants : (1) la formation en entreprise ne peut être aussi polyvalente qu’à l’école et (2) ne peut assurer l’acquisition des savoirs théoriques liés aux savoir-faire des professions et métiers aussi bien que le fait l’école. Sans compter que les acteurs de l’entreprise n’ont pas, de leurs propres aveux, (3) les compétences pour transmettre ces savoirs. En outre, (4) l’entreprise, de par son environnement et ses contraintes de productivité n’offrent pas des conditions idéales pour la formation initiale.

Les participants de l’entreprise ont aussi évoqué des arguments relatifs à la rentabilité des stages de formation. Ainsi, (5) leur paraissent-ils plus coûteux parce que les stagiaires, peu formés, augmentent la charge de travail du personnel. À court terme, (6) le « retour sur investissement » est plus faible parce que les stagiaires peu formés n’ont pas les compétences pour réaliser des travaux productifs en entreprise. Et, à long terme – comme ils vont faire des stages dans plusieurs entreprises – (7) les possibilités de les embaucher sont moins certaines, ce qui compromet la principale motivation des entreprises pour l’accueil des stagiaires.

Quant aux enseignants, ils ne sont pas contre des stages plus longs en entreprise, bien au contraire. Cela dit, cette idée de « stages de formation » les inquiète aussi. Comment, se demandent-ils, peut-on transférer 50% des contenus de formation en milieu de travail sans affecter la qualité et la standardisation des enseignements ? L’autre préoccupation a trait au changement de pratiques professionnelles et de conditions de travail.

Défis

La formation professionnelle et technique québécoise est de type school-based avec des infrastructures et une solide expertise, tant pour la formation théorique que pratique. Cette FPT scolaire comporte des stages en milieu de travail – en majorité des stages de mise en œuvre de compétences – qui représentent 5% à 20% de la durée des programmes.

Par conséquent, une formation alternée avec des stages de formation à hauteur de 40%, 50%, 60% de la durée des programmes d’études représente un changement éloigné des pratiques actuelles, tant sur la nature que la durée des stages. Ainsi peut-on comprendre les réserves des participants à leur égard. Ces réserves, néanmoins, renvoient à de réels défis en matière de maintien de la qualité de la formation professionnelle et technique et de rentabilité des stages pour les entreprises.

 

Pour ces raisons, les expérimentations menées depuis cinq ans devraient faire l’objet de recherches approfondies confiées à des chercheurs du domaine. Il serait bon d’y ajouter aussi les pratiques d’alternance-travail-études (ATE) en vigueur depuis plus de vingt ans, de même que les pratiques locales de formation alternée qui naissent à la faveur de collaborations ad hoc entre les établissements scolaires et les entreprises en région. Toutes ces expériences, qui transforment le système de formation professionnelle et technique au Québec, sont faiblement documentées. Or en l’absence de données probantes sur ces nouvelles pratiques, il est difficile d’analyser les transformations et d’optimiser les pratiques.

   

En parallèle, il pourrait être intéressant de mettre en place un dispositif de monitoring national qui permette de documenter et d’analyser ces pratiques sur une base récurrente pour comprendre ce qui se met en place, l’évaluer et réinvestir cette connaissance pour renforcer et développer les meilleures pratiques.

Équipe de recherche

Sylvie Ann Hart, chercheure senior
Observatoire compétences-emplois, UQAM

Yves Chochard, professeur
Observatoire compétences-emplois, UQAM

Félix B. Simoneau, directeur
Observatoire compétences-emplois, UQAM

Élisabeth Mazalon, professeure
Université de Sherbrooke

Observatoire compétences-emplois (OCE)
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